BALLET DES BATISSEURS
La terre, source de beauté
Video MB avec des photos de Valérie Ronsoux
Et non. Même pas mal !
Petit état des lieux en ce dimanche soir : pas de courbatures. Et voilà ! Soit les chefs de chantier ont été plus cools que la dernière fois, soit j'étais plus en forme, mais en tout cas, je marche très bien aujourd'hui (enfin ... pas plus mal que d'habitude).
J'aurais peut être mal si j'avais bien tout fait les étirements comme Michèle. Mais là, j'ai déclaré forfait avant d'avoir commencé. Michèle, on ne peut même pas la comparer à un élastique puisque l'élastique au bout d'un moment a une résistance. Dans le cas de Michèle : aucune résistance. Ce qui n'est pas tout à fait mon cas.
Je n'ai pas de bleus non plus. Et ça, tout le monde ne peut pas en dire autant. On a observé quelques genoux hier midi qui avaient l'air prêts à bleuir. Moi, l'avantage, c'est que j'ai habitué très tôt mes genoux aux chutes, et que je prends soin de tomber régulièrement pour qu'ils n'oublient pas. Maintenant, ils ne se donnent plus la peine de bleuir : ils savent que ça ne sert à rien et que je ne m'apitoierai pas sur leur sort.
Même pas peur non plus !
Hier, on était très nombreux sur le chantier. Il y avait un peu des bras et des jambes qui se lançaient dans tous les sens, des têtes qui sautaient, des épaules qui galopaient. Mais j'ai même pas eu peur de recevoir des coups. De temps en temps, un nez tremblait à la vue d'un pied qui se rapprochait dangereusement.
J'ai même pas eu peur non plus quand j'ai senti mes pieds décoller du sol alors que je ne leur avais rien demander. Tout s'est passé comme si j'avais été happée par un courant humain. Je me suis laissée flotter dans les petites vaguelettes. Puis j'ai sorti les pieds de l'eau (oui, je dis bien : les pieds, puisque ma tête étaient en-dessous de mes pieds. Normal !). J'ai encore profité un peu de ce courant bienveillant puis je suis revenue sur terre tout doucement.
A aucun moment, je ne me suis demandé qui portait quoi et comment. Je n'en n'ai pas la moindre idée. Peut être que ceux qui m'ont transportée, eux, s'en souviennent !!
J'ai même pas eu peur de Momo-le-Dragon. On a été confronté à un phénomène étrange hier. On a remarqué que de la fumée s'échappait des bras de Momo. Il a dit que c'est parce qu'il avait très chaud. Mais cette explication ne m'a pas convaincue. Moi, je dis que Momo est un dragon qui crache du feu par les bras. Sans doute une nouvelle espèce.
J'ai même pas eu peur non plus quand Armando a demandé d'être plus concentré et de faire bien attention à ce qui était dit. J'aime bien qu'on soit exigent. La dernière fois, j'avais déjà senti cette pointe d'exigence de la part de nos deux chefs de chantier, et j'avais apprécié. Ça veut dire que ce qu'on fait est important. Peut être que la prochaine fois, Armando mettra ses lunettes, parfaitement positionnées sur le nez, et nous regardera à travers les verres. Je l'ai déjà vu faire ça avec des zenfants et je peux vous dire que ça, ça fait peur. S'il fait ça, on fera pas nos malins !
J'ai même pas eu peur quand nos deux chefs de chantier nous ont dit que la prochaine fois la salle de danse allait se tranformer en terrain à bâtir. Un studio de danse, c'est toujours un lieu propice à de multiples constructions. Mais là, c'est du sens propre qu'il s'agit. Il y aura terre, brouettes, pelles sur le sol blanc. Il faudra prévoir des vêtements qui aiment bien jouer dans la terre.
J'ai même pas eu peur quand Armando a dit : « … et il y aura aussi les chevôs ». J'ai simplement voulu avoir quelques précisions sur les chevaux. Des gros, des petits. Plutôt cheval de trait pour transporter des charrettes de terre, plutôt petit poney pour pouvoir se glisser facilement au milieu des brouettes et des danseurs... Moi, avec Michèle et Armando, plus rien ne m'étonne. En plus, tout l'après-midi, on avait joué aux chevaux piqués par des mouches.
J'ai vite compris qu'il ne s'agissait pas de chevAUx, mais des chevEUx. Les cheveux qu'il faudrait prévenir de l'omniprésence de la terre.
On sera vraiment très très sales. Ce sera sOUper.
Forcément, après tout ça, j'ai même pas eu peur des sorcières que j'ai croisées sur le chemin du retour hier soir. J'en ai vu une très coquette avec des lunettes bleues qui clignotaient.
Pour la prochaine fois, je vais commencer à préparer psychologiquement ma pelle. Je vais lui expliquer qu'un dimanche sur un chantier avec Michèle et Armando, ça fait même pas mal et même pas peur. En plus, elle verra plein de copines-pelles. Je suis sûre qu'elle va beaucoup aimer ça.
Cela fait une semaine (presque) que j'ai prévu de vous envoyer ce message. Et puis, le temps passe, et voilà.
J'ai constaté en ce début de semaine que vous étiez forts pour faire la promotion du "Ballet des Bâtisseurs".
quelques bonnes courbatures et le tour est joué.
Lundi, j'avais des grossgrosses courbatures dans les cuisses. Ouille ouille ouille. J'avais une démarche tout à fait
insolite : sur demi-pointes, hanches en action pour lancer les jambes, buste légèrement-exagérément en avant
et abdos bien serrés pour maintenir l'ensemble. Je crois qu'avec cette démarche, je pourrais faire concurrence à
Charlie CHaplin !!
Et grâce à cette démarche, j'ai parlé du Ballet des Bâtisseurs à tous les gens que j'ai croisés pendant trois jours.
Forcément, tout le monde s'interrogeait sur l'origine de ma démarche. J'ai donc expliqué et raconté mon week-
end chez vous.
Lundi, j'étais encore un peu chez vous (à cause des courbatures. GRRRRRRR !!!!, mais aussi dans ma tête). Je
revoyais les brouettes voler, les pelles tournoyer, la terre s'accumuler, les gens travailler, Armando concentré. Je
suis vraiment très très contente d'avoir participé à ce moment. Je me rappelle bien que je ne vais pas aller au
Brésil avec tous les autres, et pourtant, je me suis vraiment senti dans la dynamique du projet. Bon, je n'ai pas
été très inspirée par les brouettes. Mais je crois que c'est parce que tous les autres faisaient des trucs tellement
chouettes que je n'avais rien à ajouter et en plus, j'avais envie de voir ce qu'ils faisaient. J'ai beaucoup aimé la
balade dans la forêt avec la pelle qui reliait mes deux mains. Et puis tout le reste aussi. Mardi, pendant ma
séance de théâtre, je me suis surprise à refaire ; "ramasser la terre en passant par le côté droit, rassembler la
terre, soulever et déposer''. J'en ai pas fait exprès. En plus au théâtre, on ne ramassait pas de terre, on ramassait
des plumes !
Le ballet des bâtisseurs – Chantier n° 3
Dimanche c’était la troisième journée de répétition du « Ballet des bâtisseurs », ici en France, à Combourg ; pour nous c’était notre première venue, pour le p’tit danseur qui m’accompagnait c’était sa première incursion dans la Fazenda, la maison d’Armando et Michelle.
Alors le p’tit, je l’ai observé pour voir si, comme moi la première fois, il allait écarquiller les yeux en pénétrant dans la ferme, studio de danse, lieu d’échanges, de convivialité… qui, la porte poussée, se déploie devant nous ; en cette fin de matinée, elle a le parfum du café fraîchement passé, de l’entremêlement de conversations aux sonorités anglaises, françaises ou brésiliennes , du calme serein d’un petit déjeuner tardif encore engourdi de sommeil et de l’excitation encore contenue d’un grand voyage qui se prépare.
Le p’tit, impressionné par le groupe et émerveillé par l’habitation : « elle est bien leur maison, on dirait celle de Ron Weasley… mais sans la magie…», pour ce qui est de Ron, l’ami d’Harry Potter, je partage l’avis, quant à la magie, à ce moment là les choses semblent rationnelles…
Armando sonne la fin de la récréation, on passe au studio de danse : c’est en haut ; pour les moins réveillés (dont je fais parti…) c’est la poutre sur le haut du crâne qui suit les marches, un avertissement pour ceux qui viendraient à moitié, le corps sans l’esprit… poum ! le corps est dégourdi, l’esprit est réveillé, le tout est prêt.
On est prêt pour quoi ? Danser ? L’idée que mon enveloppe charnelle, inexorable compagne depuis quelques décennies puisse prétendre à la danse me semble saugrenue, sans doute l’est-elle… La force de Michelle et d’Armando, c’est de donner consistance à ce projet. Alors en ce qui me concerne, en danse, je babille, et chose surprenante, je babille avec plaisir, comme le bambin qui déploie un large sourire quand les premiers sons brisent son silence.
L’ambiance est studieuse et détendue, paradoxe d’une forme d’élégance qui unit à la fois : bonne humeur et travail rigoureux. Organisées en tableaux, les séquences de danse sont dans la tête des deux chorégraphes, on les voit se donner le tour, échanger quelques mots, faire progresser un mouvement, improviser un autre, et l’enthousiasme de chacun donne corps aux visions : mouvements collectifs où la place est laissée au singulier ; une masse : certes, mais dont on perçoit la texture, le grain, pas une figure lisse, un tout aux multiples degrés de liberté.
Le Ballet des bâtisseurs c’est la rencontre de deux groupes, de deux continents, à travers « le langage du corps » comme le rappelle Armando pendant la pause. Quand les langues sont différentes, « Le langage du corps », c’est ce qui reste. Et puis le projet commun : réaliser à travers un ballet une sculpture, encore une fois union antagoniste entre l’éphémère et le durable, inscription dans le temps de l’acte fugitif de danse.
En l’état, le groupe imagine encore avec peine qu’au mois de décembre prochain, ce qui se dessine au premier étage d’une ancienne étable dans la campagne de Combourg vibrera sous le soleil de Salvador ; on fait tournoyer des pelles, le mouvement encore gauche et le tranchant qui inquiète, on s’amuse d’échafaudages mouvants et à montants humain sur lesquels d’improbables maçons à collant circulent, on invente des acrobaties sur des brouettes souffreteuses dont elles se remettront péniblement grâce à quelques redressages, on ramasse un humus imaginaire, on ne perçoit ni l’odeur, ni le contact, ni le poids de cette terre, lointaine de quelques milliers de kilomètres… Michelle et Armando, eux, la voient…
Quant à la magie, elle était là : improvisations étonnantes de fin de journée… « on dirait la maison de Ron Weasley… » et on dirait bien que la magie y opère aussi.
Merci à toutes les bâtisseurs pour au tant de patience, energie et bon humeur sur le chantier!
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